Des franchises pas très franches

Nicolas SARKOZY candidat ultra-libéral l’avait dit, Nicolas SARKOZY président « de tous les français » le fera : nous acquitterons tous, pour pouvoir nous soigner, 4 franchises de 10 euros en 2008, aggravant les inégalités sociales et entravant le libre accès aux soins. Une pétition initiée par les médecins généralistes Christian LEHMANN et Martin WINCKLER a déjà recueilli plus de 50 000 signatures http://www.appelcontrelafranchise.com . Plus de 40 organisations sont mobilisées, à l’initiative de l’USP (Union Syndicale de la Psychiatrie), du SMG (Syndicat de la médecine générale) et de Sud Santé, pour lancer un vaste mouvement d’opposition à cette nouvelle atteinte au droit constitutionnel de chacun d’entre nous à être soigné selon ses besoins.

En effet, ces 4 franchises (sur les médicaments, les analyses, les consultations et l’hôpital), au prétexte de « responsabiliser les patients », vont accélérer le démantèlement d’une Sécurité Sociale solidaire au bénéfice d’un système assurantiel privé, où la concurrence et l’individualisme feront la loi :

• elles sont injustes socialement, en faisant supporter aux plus défavorisés les mêmes frais de santé qu’aux plus riches, là où les cotisations ont toujours été proportionnelles aux revenus ;
• elles sont aberrantes sur le plan sanitaire, en retardant l’accès aux soins des plus démunis, qui attendront d’être gravement malades pour se faire soigner, à l’encontre de toute politique préventive de santé publique ;
• elles sont inefficaces sur le plan économique, puisqu’elles ne rapporteront qu’1 milliard d’euros là où « le trou de la sécu » est de 8 milliards, creusé largement par des dépassements d’honoraires médicaux coûtant 2 milliards à la collectivité, et des dépenses médicamenteuses (rapportées à la moyenne européenne) 15 milliards !

« La question de la dépense de soins n’est pas une question de « responsabilisation » des patients, personne ne va se faire soigner pour le plaisir. La responsabilisation est un prétexte, c’est de culpabilisation qu’il s’agit avec l’instauration de franchises. Ce projet s’appuie sur la suspicion de « l’autre », il entérine l’idée que certains « profitent », c‘est à dire « abusent » du système de protection sociale. Il s’inscrit dans une stratégie, une « culture » des uns contre les autres, génératrice de haines sociales » (Appel du 12 juin 2007) : logique très particulière du Sarkozysme en action, dont la véritable finalité est de faire peser toujours plus sur les individus, et les plus précaires d’entre eux, le poids de la privatisation du service public de santé, au seul bénéfice des assureurs privés et des entreprises médico-pharmaceutiques. Après le 1 euro retenu sur les consultations, le forfait de 18 euros sur les actes coûtant plus de 93 euros, les déremboursements de médicaments parmi les plus utiles, la généralisation des dépassements d’honoraires par les spécialistes du secteur privé, cette nouvelle franchise vient aggraver la dérive libérale observée avec la « nouvelle gouvernance » hospitalière (qui officialise la « convergence » du public vers le privé, et transforme les médecins en « managers »), la tarification à l’activité (reconnue inflationniste, sélective et concurrentielle), la précarisation du statut de tous les soignants, médecins compris.
Ce que visent ces réformes, c’est la marchandisation insidieuse du système de santé français, dont la solidarité et l’efficacité sont enviés dans le monde entier, sur le modèle américain, dont on sait pourtant qu’il est l’un des pires du monde occidental : 50 millions de personnes sans couverture sociale, un système de santé 2 fois plus cher qu’en France, des indicateurs de santé publique (espérance de vie, mortalité infantile) parmi les plus médiocres du monde occidental !
Nous refusons cette dérive marchande, inégalitaire, anti-sociale de notre système de soins. Chacun d’entre nous est concerné dans ce qu’il a de plus précieux : sa santé. Il faut rejeter avec force cette nouvelle réforme, à travers un mouvement social de grande ampleur intersyndical et interprofessionnel.

Dr Olivier LABOURET