mardi 16 février 2010

Débat : La crise et après... à Barcelonne-du-Gers, samedi 13 février 2010

Quelques remarques rapides :
Un débat organisé dans le cadre de la Foire agricole de Barcelonne du Gers, promu à grands coups médiatiques mais qui n’a pourtant pas mobilisé : salle à moitié vide. D’autant que le thème semblait alléchant : ébaucher l’agriculture de l’après crise, et le plateau constitué d’invités prestigieux : P. Viné (directeur de cabinet du ministre de l’agriculture), M. Mazoyer (professeur-chercheur à l’INRA et spécialiste reconnu de l’agriculture mondiale)…
C’est bien un journaliste du Sud-Ouest qui animait le débat mais aucune information sur le contenu des discussions n’est parue à ce jour dans l’éditorial; le Sud Ouest fait bien référence à l’organisation d’un débat mais préfère parler de la fréquentation de la foire, du prix des tracteurs… plutôt que de mettre à l’affiche les véritables enjeux de l’agriculture.
Pourtant, en introduisant le débat son journaliste commence par dresser un bilan rapide de la crise : crise des revenus mais aussi sociale, pour ensuite tracer des pistes pour l’avenir de l’agriculture : il faudra être compétitif, apporter des garanties aux revenus et assurer une meilleure prise en charge des risques, s’interroger sur la répartition de la Valeur ajoutée (VA) au sein de la filière (nouvelle Loi de Modernisation Agricole) et comment réformer la PAC….

Premier invité de la journée, S. Papin (PDG de Système U) s’efforce d’expliquer, par vidéo-conférence, que la crise agricole résulte du déséquilibre entre l’offre et la demande, qu’une meilleure organisation de la production agricole est nécessaire pour éviter les fluctuations de prix sur les marchés ; il défend le principe de l’établissement de prix planchers, affirme que sa centrale d’achat émet une préférence à l’égard de la production française et que sa marge brute n’est que de 25 %....

T. Blandinières (PDG de Maïsadour, Delpeyrat) note d’emblée que les propos de Mr Papin doivent être nuancés, qu’en France il n’y a que 5 centrales d’achat et que la distribution prend 50 % de la VA créée dans la filière foie gras et, qu’au bout du compte, les industriels sont obligés de répercuter sur les agriculteurs les baisses de prix imposées par la grande distribution (GD)…

J. Cinel, de l’interprofession Bio, souligne que la France ne dispose que de 2.5% de sa surface en bio, d’où une importation en volume de 35% pour les produits bio ; il affirme que le bio ne connaît pas la crise : l’accroissement du marché a été de 15 % en 2009, les atouts du bio pouvant être d’ordre réglementaire : l’exigence du cahier des charges redonne confiance aux consommateurs, et d’ordre organisationnel au regard de l’utilisation de circuits de distribution alternatifs….

P. Viné (directeur de cabinet du ministre de l’agriculture) retrace brièvement l’évolution de la PAC, de ses objectifs et modalités de soutien (DPU), rappelle la fin des quotas laitiers en 2015 et affirme qu’il n’y a pas de risque de pénurie alimentaire en France mais qu’il y a toujours la faim dans le monde….

M. Mazoyer (professeur-chercheur à l’INRA) s’efforce de répondre à la question : comment nourrir la planète ?
Il souligne que les besoins aujourd’hui insatisfaits approchent les 30% : 2 milliards d’individus souffrent de malnutrition, dont 1 milliard souffre de la faim, dont les 2/3 sont des paysans ; les paysans seraient les gens les plus mal payés au monde, avec un revenu moyen inférieur de 4 à 5 fois celui des urbains. Il affirme que les prix de détail sont indexés sur le pouvoir d’achat (PA), que le marché à horreur du vide et que dans la concurrence il y a toujours un opérateur économique prêt à s’accaparer la VA ; ainsi, il ne sert à rien de baisser les prix à la production…
Il poursuit son exposé en dénombrant les surfaces disponibles pour l’agriculture à travers le monde, qu’il chiffre à 1,7 fois l’existant (?), que les rendements devraient plutôt se maintenir dans le futur (?), qu’il ne condamne pas le productivisme (?)…ce qui lui fait dire que le problème de la faim n’est pas un problème technique mais plutôt un problème de manque de PA (solvabilité des potentiels acheteurs) ; il renvoie donc à la question de la réabsorption de la pauvreté dans le monde….

W. Villeneuve (président du CNJA) souligne d’entrée que la construction européenne se poursuit actuellement dans une logique plutôt sociale qu’économique, d’où le manque de moyens pour le financement de la PAC. Le système économique est défaillant et favorise les comportements spéculatifs qui aggravent la fluctuation des marchés ; il défend que la France n’a pas vocation à nourrir le monde, que l’agriculture française ne pourra pas se développer à l’aune du seul critère de la compétitivité économique : le cas de la filière porcine en est exemplaire, les agriculteurs français se sont modernisés pour améliorer leur productivité et gagner en compétitivité mais, aujourd’hui, ils sont mis au pilori par d’autres agriculteurs encore plus compétitifs… dans une logique pure de marché, on n’arrête pas la délocalisation des productions. Pourtant, le nombre d’installations baisse en Europe, la consommation du foncier pour des usages non agricoles accentue le coût et la difficulté des transmissions agricoles…. ; il rappelle que 80% de la consommation se réalise en GD, il préconise une agriculture qui crée de la VA sur place.

Critiques :
* Qu’est-ce qu’être compétitif, à l’heure où 50% du revenu des agriculteurs français provient des aides publiques et que le soutien des pays développés à leur agriculture abaisse le prix du marché mondial (tenu comme référence suprême) d’environ 25% ?
M. Villeneuve laisse entendre que la compétitivité ne pourra pas, à l’avenir, être déterminée par les seuls coûts….
Jusqu’où serait-il donc prêt à aller pour assurer une répartition équitable des productions sur le territoire ?

* Où en est-on de la fameuse et sempiternelle vocation exportatrice de la France ? Est-ce que la France à vocation à nourrir le monde ou plutôt à se recentrer sur la demande intérieure de l’UE ?

M. Viné répond que l’excédent commercial agricole français (environ 9 milliards €) n’est pas négligeable et M. Blandinières renchérit en disant que si on interdisait son entreprise de vendre à l’export, c’est 60% de sa production de semences qui serait condamnée, c’est-à-dire 3000 ha de semences maïs qui disparaîtraient de la région, une culture sous contrat et donc à faible risque pour les agriculteurs et de surcroît rémunératrice…

Certes, l’argument économique est valable mais on lui aurait préféré un raisonnement global : quelle doit être la place de la culture du maïs dans la région MP ? Est-il justifié de soutenir la culture du maïs d’un point de vue environnemental et social ; autrement dit, quel est l’impact de la culture sur la gestion des ressources naturelles (eau, biodiversité…), sur l’emploi et la demande locale (consommation de proximité). Même si le marché valide financièrement cette vision industrielle de l’agriculture où l’agriculteur est volontairement assimilé à un simple fournisseur de matières premières destinées aux industries de la transformation, ce choix n’est pas sans conséquences sur l’homme et l’environnement : la raréfaction de l’eau impose un nouvel partage de la ressource entre les usages agricoles et urbains, la recherche d’économies d’énergie incite à produire les denrées les mieux adaptées à la région et consommées localement. En conclusion, la culture du maïs peut certes être économiquement rentable en MP, mais elle est certainement, dans bon nombre de situations, une aberration du point de vue écologique.

* Pourquoi l’agriculteur doit toujours être considéré comme la variable d’ajustement des fluctuations du marché ? Les marges de la GD sont préservées, les Industries agroalimentaires (IAA) répercutent les baisses de prix sur les agriculteurs qui, in fine, paient la facture des crises !

M. Viné répond que depuis quarante ans ce mécanisme est connu, que la solution doit être trouvée dans une meilleure organisation de la production agricole, car les agriculteurs manquent de poids face aux acteurs de l’aval de la filière.

Eh oui, les agriculteurs sont dominés, c’est un fait. Et depuis quarante ans on le sait, nous dit le directeur de cabinet du ministre ! Mais qu’à-t-on fait pour empêcher cette surexploitation du monde agricole au profit de la constitution d’une industrie agroalimentaire et surtout d’un secteur de la distribution surpuissant ?

* Au-delà des principes généraux, sur lesquels on peut tous être globalement d’accord, comme : la nécessité de favoriser l’installation, d’augmenter les revenus des agriculteurs, de promouvoir une agriculture de qualité et à des prix accessibles pour le consommateur…., il importe de s’interroger sur le choix des modalités concrètes de leur mise en œuvre et donc, de définir les mécanismes de la PAC de demain.

Et bien là, point de réponse !!!

M. Mazoyer a mis en lumière la situation de la faim dans le monde et ses déterminants, sur lesquels nous sommes globalement d’accord. Cependant, son chiffrage des surfaces arables disponibles pour la mise en culture mérite d’énormes réserves car : il serait impensable de mettre en culture les actuelles zones protégées et occupées par les forêts (poumon vert des écosystèmes et réserve de biodiversité), certains continents disposent effectivement de réserves de terres (Amérique latine), d’autres pas du tout (Chine, Inde) ; par ailleurs, les experts sont plutôt partagés quant à la capacité de l’agriculture à maintenir les rendements actuels : du fait du dérèglement climatique, de l’érosion et de la salinisation des sols induits par une culture irriguée intensive, de la raréfaction de l’eau… la tendance serait même à une baisse probable des rendements, ce qui est déjà vérifié dans bon nombre de pays (en France, bon nombre de rendements stagnent). En dernier, disons que M. Mazoyer a voulu faire plaisir à son public en refusant d’attribuer les responsabilités des dégâts engendrés par le modèle productiviste.

Par Rui OLIVEIRA SANTOS


A PROPOS DU DEBAT SUR L'AGRICULTURE
A LA FOIRE DE BARCELONNE DU GERS.

et dans le prolongement de l'analyse pertinente de
Rui OLIVEIRA SANTOS, Vert 32.

Samedi 13 février 2010

CE QUE MR. LE PROFESSEUR DE L' INRA NE POUVAIT PAS DIRE...
Mr. Mazoyer, professeur-chercheur de l'INRA, en effet, comme le remarque notre ami Rui, professeur d'économie, « a voulu faire plaisir à son public en refusant d'attribuer les responsabilités des dégâts...au modèle productiviste ».
Mais pouvait-il faire autrement ?
Alors, parlons-en de ce fameux « modèle productiviste ».
Appliqué à l'agriculture, il désigne, pour l'essentiel les agricultures des pays du Nord, c'est à dire les Etats-Unis, le Canada et les Etats de l'Europe occidentale, notamment, la France. Ensemble, ils contrôlent les 75% du marché mondial des céréales et de la viande et produisent de faramineux excédents qu'il leur faut écouler. Ils ont ainsi le quasi monopole des exportations de ces produits de première nécessité alimentaire. D'où, le problème de leur écoulement et, donc, l'obligation impérative d'avoir à disposition, de vastes marchés ouverts, cela veut dire les moins protégés possible. Là, les règles imposées sont à géométrie variable, selon qu'on est puissant ou faible, du Nord ou du Sud. La concurrence entre ceux du Nord est féroce, mais sur le fond, ils sont d'accord. Ceux du Sud, généralement, subissent.
On a dit « faramineux excédents », donc, il faut dire aussi : « cours effondrés, prix plancher ». Donc, malaise social dans le monde agricole des grands producteurs du Nord.
Le modèle productiviste, par conséquent, pour assurer un revenu stable à ses producteurs, a instauré la pratique des subventions aux exportations. En 1990, ces trois entités (E.U, Canada, Europe) avaient reversé 151 milliards de dollars pour soutenir leurs agricultures, soit les 41% de la valeur totale de leurs productios agricoles ! En 1998, beaucoup plus !
Les Etats-Unis préfèrent subventionner directements leurs agriculteurs tandis que les Européens vont subventionner les exportations. Ce qui revient à peu près au même.
C'est ainsi, pour ne prendre, que deux exemples, que le maïs américain vendu aux Philippines dans les années 1990, coûtait 20% moins cher que le maïs local. En 2004 : 39% !
Décidément, le productivisme a du bon ! Mais, pour qui ?
La C.E, de son côté, a inondé l'Afrique de bas-morceaux de boeuf. Très bien ! Que diriez-vous si vous étiez un éleveur local ?
Quant à l'aide alimentaire, malgré ses aspects positifs de première évidence, elle a servi également au soutien des bas prix mondiaux : alors, à quoi bon cultiver, quand les riches vous nourrissent à meilleur prix!
Point n'est besoin de sortir de l'INRA pour saisir les conséquences de telles pratiques pour les pays les plus pauvres, à la recherche d'un minimum d'autosuffisance alimentaire. Ces pays, en outre, ne pourront jamais entrer en concurrence avec nous, ils seront en dépendance alimentaire de façon quasi permanente. Cette dépendance ne manquera pas d'avoir des conséquences sur le plan géo-politique et stratégique...Mais ceci est une autre histoire !

Alors, Mrs Viné et Mazoyer, non, les pays du Sud (« périphériques » comme on dit encore) n'ont besoin que d'une chose : qu'on leur laisse leurs terres, qu'on les encourage à faire des « Réformes agraires » véritables, qu'on les laisse un peu plus maîtres de leur destin et qu'on ne soutienne pas leurs grandes familles latifundistes qui s'emparent du pouvoir, le plus souvent, avec notre bénédiction. Après, on pourra toujours les aider...honnêtement, bien sûr.
Non, vraiment, « le modèle productiviste » n'est pas un modèle à suivre !
Comment, en effet, pourrait-il éradiquer un mal dont il est en grande partie responsable depuis au moins un demi-siècle ?
Aujourd'hui, il est condamné du point de vue écologique, à bout de souffle et en voie d'étranglement du fait de ses contradictions socio-économiques... Il semble, hélas, qu'il lui reste encore quelques belles années à vivre...
Progressivement, avec l'abandon du modèle productiviste, se développera inéluctablement une agriculture soutenable, condition fondamentale d'un monde meilleur pour tous !
Non, la faim dans le monde n'est pas une fatalité !

Claude ARRIEU,
Preignan, le 18 février 2010

4 commentaires:

Poivre de Kampot a dit…

Très sympa votre logo avec la croix rouge ça rappelle les croisades.

Appartement à vendre casablanca a dit…

C'est sympa!!

voyance gratuite en ligne a dit…

C'est avec plaisir que je regarde votre site ; il est formidable .j'ai bientôt quatre vingt printemps et je passe du temps vraiment très agréable à lire vos jolis partages .Continuez ainsi et encore merci.

voyance mail gratuite a dit…

Je viens de découvrir votre site et en tant que passionnée, je vous remercie et vous souhaite une bonne continuation. Surtout continuez toujours ainsi ; votre site est super !