mardi 31 août 2010

Pour une véritable réforme des retraites

A entendre le chef d’Etat, cette fois-ci la France serait bien engagée dans une véritable réforme des retraites, fondée de surcroît sur des principes républicains les plus nobles : équité, justice, solidarité. Mais est-ce vraiment le cas ? Quels en sont les enjeux et est-ce que les mesures envisagées par l’actuel gouvernement permettent d’y répondre durablement ?
Tout d’abord, rappelons que la réforme des retraites est un sujet récurrent de la politique française. Déjà en 2004, l’actuel premier ministre, M. Fillon, s’était attelé à cette question épineuse ; véritablement sans grand succès puisqu’en 2010, rebelote, on reprend les mêmes et on recommence. A vrai dire, la gouvernance de la droite, au même titre que celle de la gauche, n’ont apporté ces dernières années que des modifications mineures et ponctuelles au cadre réglementaire du système de retraites français alors qu’une profonde transformation était attendue et nécessaire. On a maintes fois annoncé une vaste réforme, alors que la plupart du temps on s’est contenté de quelques mesurettes ! Celles-ci avaient bien souvent une visée sectorielle et s’attachaient prioritairement à pallier au problème réel du financement à terme des retraites, repoussant à plus tard la prise en compte d’éléments essentiels tels l’évolution démographique, l’impact des conditions de travail sur l’espérance de vie, l’instabilité de l’emploi et l’inégale répartition de la richesse créée par l’activité productive. Et, bien qu’il soit de bon ton en France de parler de système universel de protection sociale, la réalité fait preuve d’une grande disparité de régimes de retraite. Rien de comparable entre le système de retraite de nos chers députés et celle de monsieur tout le monde, entre les agents du secteur public et les salariés du privé, entre les ouvriers et les agriculteurs…. à l’évidence, le droit à la retraite se construit et s’acquiert très différemment pour chacun de nous. Certains mettent en avant le poids de la tradition française pour expliquer ces divergences issues de la création de régimes de cotisation séparés, voire même de la constitution de régimes spéciaux, mais rien ne saurait justifier à l’heure actuelle l’inégalité de traitement des français devant leur droit à la retraite. Un droit mis à rude épreuve par les récentes annonces du gouvernement qui, poursuivant l’objectif du retour à l’équilibre financier, gage de sécurisation et de pérennité du système de retraites, font peser en même temps sur les actifs l’essentiel des nouvelles contraintes. Y a-t-il du sens dans ces nouvelles propositions de réforme, et les efforts demandés sont-ils équitablement répartis entre tous les agents économiques ?
Du constat… aux propositions du gouvernement
L’espérance de vie s’accroît d’un trimestre par an ; les français vivent donc de plus en plus longtemps et bénéficient d’un meilleur état de santé, ce qui rallonge la période inactive sous bénéfice d’une pension de vieillesse et alourdit mécaniquement la facture des retraites. Pour l’éviter, le gouvernement table sur le maintien d’un équilibre entre le temps d’activité (2/3) et le temps d’usufruit de la retraite (1/3), ce qui l’amène à proposer le report progressif (au rythme de quatre mois par génération) de l’âge légal de départ à la retraite, qui atteindra 62 ans en 2018 au lieu de 60 ans aujourd’hui. Ce report concernera également l’âge d’obtention d’une pension à taux plein quelle que soit la durée de cotisation, qui remontera de 65 à 67 ans. Selon M. Fillon, ces deux piliers de la réforme ne bougeront pas et apportent les 2/3 de l’effort financier programmé pour réduire les déficits. Le tiers restant proviendrait d’une taxation supplémentaire des hauts revenus (ceux dépassant 11 000 € bruts par mois) issus d’activité et du patrimoine.

Se projeter au-delà de l’approche démographique et comptable
Les propositions gouvernementales privilégient manifestement l’approche démographique et comptable. Elles s’inscrivent dans le droit chemin de l’idéologie politique du chef d’Etat, qui prône de « travailler plus pour gagner plus ». Mais, doit-on nécessairement travailler plus ? Travailler plus pour quoi faire ? Qu’en est-il du sens du travail dans notre société ? Existe-t-il du travail pour tout le monde ? En passant sous oubli ces questions, on perd de vue la notion essentielle : celle du progrès social. Or, la durée légale du temps de travail n’a de cesse diminué au cours de l’histoire humaine, ce qui tendrait à prouver que la réalisation d’une avancée sociale se traduit plutôt par du travail en moins afin de disposer de plus de temps pour soi et pour les autres. D’autant qu’avec cette perspective de raisonnement étriqué, le gouvernement ne s’intéresse qu’au travail rémunéré, donc à l’emploi, sans tenir nullement compte de l’utilité de cet emploi. Par ailleurs, il admet le principe illusoire que le travail rémunéré est illimité, que tout le monde peut librement arbitrer d’en disposer. Mais, le nombre de personnes inscrites à Pôle Emploi ne cesse d’augmenter, +900 000 en deux ans. Et, reporter l’âge de départ à la retraite n'a pas de sens lorsque ne sont résolues ni les difficultés d'insertion des jeunes dans l'emploi ni le faible taux d'activité des seniors.
Bref, dans notre système de retraites par répartition où les actifs cotisent pour payer les pensions des inactifs, la question de son financement est plus que jamais indissociable de la période d’activité qui, avec la concurrence exacerbée générée par l’ouverture des frontières, subit d’importants bouleversements. Impulsée par la mondialisation, l’évolution de l’emploi et les trajectoires professionnelles ne sont plus aussi linéaires qu’autrefois. L’incertitude et l’instabilité gagnent le salariat et accentuent la fracture sociale. Travailler plus pour les uns signifie moins de travail pour d’autres, voire pas du tout, avec pour corollaire le risque d’exclusion, d’abord économique puis sociale. Le choix individuel, bien que respectable, ne doit pas être érigé comme forme universelle de gouvernance, et de surcroît ne remplace pas la prise de décision en vue de la préservation de l’intérêt collectif. C’est là que doivent intervenir trois notions fondamentales : celle de solidarité, de partage et d’équité. La solidarité s’exprime déjà à l’égard des retraités au travers le transfert financier entre générations; la notion de partage (du travail) a été initiée avec la loi des 35 h de travail légal hebdomadaire, tant décriée par l’actuelle majorité au nom de la nécessaire compétitivité de l’économie française. Pourtant, l’économie française n’a de cesse d’accroître sa richesse (mesurée par le PIB et évaluée à 1 950 milliard € en 2008) ; le problème n’est donc pas tant celui de la création de richesse mais plutôt celui de sa répartition, car le partage de cette manne financière devient très inégalitaire : il se réalise de plus en plus au détriment du travail et au profit du capital, ce qui creuse davantage le fossé entre les riches et les pauvres, au point de devenir intolérable. D’où le sentiment général d’injustice qui prévale parmi les français, qui réclament plus d’équité : ceux qui gagnent le plus doivent participer davantage au financement de la solidarité nationale. Certains clament alors au scandale et à la spoliation !!!
Mais, pourquoi se focaliser toujours sur l’importance des prélèvements obligatoires et ne jamais poser la question de la « juste » rémunération du travail ni des conditions qui ont permis la constitution et l’acquisition de la richesse ? Pourquoi le système économique serait intrinsèquement « efficace » lorsqu’il permet à des individus d’engranger des sommes parfois hallucinantes, alors qu’il serait « pervers » à partir du moment où il prélèverait une partie très importante des revenus d’activité. Est-ce le travail des uns et des autres tellement différent pour que l’activité de quelques « surdoués » soit rétribuée à prix d’or et celle de la multitude des « gens ordinaires » au prix du moins disant social. Ce n’est qu’une question de justice que de rétablir un partage plus équitable de la richesse qui, rappelons-le, est générée collectivement dans un cadre socio-économique qui l’autorise. Les multinationales sont les premières à le faire valoir puisqu’elles adaptent leurs prix de vente au pouvoir d’achat des consommateurs des pays destinataires.
Si la place du travail rémunéré a tendance à décroître au profit d’autres formes d’occupation du temps ; dès lors qu’une partie croissante de la richesse créée va dorénavant au capital, on peut raisonnablement s’interroger sur la pertinence de vouloir maintenir un financement du système de retraites basé pour l’essentiel sur des cotisations sur le travail.

Vers une approche d’utilité sociale
Le bien fondé des propositions de la réforme gouvernementale doit donc être analysé à l’aune d’autres critères que le seul respect de l’équilibre budgétaire. Faire des économies… n’est-ce pas l’intérêt premier du report de l’âge légale de départ à la retraite à 62 ans alors que les français partent effectivement aujourd’hui à 59 ans . Pour que cette mesure puisse avoir des chances de réussir, il faudra reconsidérer le travail et l’évolution de carrière, concilier l’emploi marchand et les activités non lucratives en les intégrant notamment dans le calcul pour l’obtention des droits à la retraite. Finissons donc avec le postulat qui considère formellement le retraité comme un inactif, sans aucune utilité productive. Actuellement, la personne âgée est rejetée du monde de l’emploi, car jugée dans l’incapacité d’accomplir efficacement ses tâches et coûtant de surcroît plus cher à l’entreprise du fait de l’acquisition de l’ancienneté. Sachant que le travail demeure le pivot central d’identification sociale et que l’emploi peut devenir source de souffrance et de mal-être, l’idée serait de proposer aux gens en phase terminale de leur vie active une activité d’intérêt général. Prenons le cas d’un infirmier ou d’un maçon qui ne se sentiraient plus en état d’exercer le métier compte tenu du niveau d’exigence élevé de leur profession, alors qu’ils n’ont pas encore atteint l’âge légale de départ à la retraite. Pour ne pas subir la décote qui s’appliquerait mécaniquement à leur allocation retraite en cas de cession anticipée d’activité, ils pourraient décider librement de se mettre à disposition d’une association et/ou d’une institution oeuvrant pour le bien être collectif. Soyons imaginatifs… le travail d’utilité sociale ne manque pas, que ce soit dans le domaine de l’accompagnement des personnes âgées, de l’insertion de publics en difficulté, de la formation des jeunes, de la réhabilitation du bâti classé patrimoine de l’humanité ! Alors qu’aujourd’hui la retraite est vécue comme une exclusion du monde du travail, nous proposons comme alternative d’offrir aux individus sans perspective d’emploi la possibilité de la poursuite d’une activité aménagée, adaptée à leur condition physique et mentale, qui valoriserait leurs capacités mises au profit de la collectivité. L’intérêt du dispositif serait double : les individus y trouveraient la possibilité de continuer à exercer leurs talents tout en cumulant des droits supplémentaires d’allocation retraite, la société serait gagnante puisque bénéficiaire d’un travail « presque gratuit » et d’une expérience confirmée, qui pourrait être mise à profit pour renforcer les liens intergénérationnels, via notamment l’apprentissage, et la cohésion sociale. Cela permettrait de contribuer à rendre « actives » des dépenses « passives » engagées au titre de la solidarité nationale, avec un gain net pour l’individu et la société tout entière.
C’est dans cette lignée que s’inscrivent les préconisations d’Europe Ecologie - Les Verts :
• lutter contre le chômage et partager le travail
• œuvrer pour une nouvelle répartition des richesses
• bâtir une réforme durable à partir d’un consensus national sur des principes d’équité entre actifs et inactifs
Tel que le souligne A. Lipietz , la retraite n’est ni un « droit de l’épargnant », ni un « droit du salarié », mais un droit universel de la personne humaine (article 25 de la Déclaration Universelle). A ce titre, elle doit être financée par une part redistribuée du revenu national, comme tout service rendu par la société à ses membres. Osons affirmer que la dignité humaine nécessite de reconnaître aux individus un certain nombre de droits économiques, mais que ces droits peuvent et doivent être modulés en fonction du mérite, de l’engagement de chacun dans la vie collective.
Par : Rui OLIVEIRA SANTOS

4 commentaires:

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